Philippe Pache

Né le 2 mai 1961 à Lausanne, Suisse
Vit et travaille à Lausanne, Suisse
site web :
www.philippepache.com


Claires obscures


" J'ai cherché à faire dire au visage qui me parlait le secret d'une vieille histoire humaine " Antonin Artaud


Très tôt, soit dès que j'ai commencé à prendre des photographies, j'ai été attiré par les visages comme un aimant, dans les deux sens du terme : attraction physique et naturelle, et " aimant " comme l'action d'aimer.

Dans la photographie, l'action d'aimer est avant tout une réception , l'acte de recevoir .

Au fond, je n'ai jamais choisi le thème du portrait, c'est plutôt les visages qui m'ont choisi, qui sont venus me cueillir dans l'émotion que je ressentais à leur égard, à leur regard.

Je n'aime pas le terme " portrait " qui définit souvent la représentation d'une personne avec l'idée d'une certaine objectivité : " Ce portrait est bon , il lui ressemble …"

J'aime les portraits qui ne ressemblent à personne, ou plutôt à chacun de nous, qui contiennent une vibration universelle, mystérieuse, au delà du modèle, donc au delà du sujet.

Il y a toujours cet éternel malentendu avec la photographie et le sujet, la chose photographiée. Un proverbe chinois s'applique merveilleusement à ce dilemme de la photographie : " Lorsque le sage montre la lune , l'imbécile regarde le doigt."

Personnellement, je ne photographie jamais ce que l'on appelle des "gueules", parce que cela nous ramène toujours à une chose que justement je cherche à éviter : l'anecdote.

Plus que la femme , je cherche la féminité , la sienne , la mienne, la nôtre.
Ce sont des visages qui me parlent avant tout d'une sensibilité , d'une musique silencieuse. J'aime le mystère qui transparaît dans certains visages et c'est cela qui me trouble profondément.

J'ai photographié des enfants, des jeunes filles par la suite et aujourd'hui des jeunes femmes. A ce propos Jean-Claude Lemagny ( ancien conservateur à la Bibliothèque Nationale de Paris,responsable de la photographie contemporaine ) m'avait dit un jour, non sans malice : " C'est bien, vous vieillissez avec vos modèles …" Plutôt qu'un accompagnement parallèle des années qui passent, c'est, je crois, plus une évolution dans la gravité, une autre profondeur au delà du sujet. Une innocence plus lucide, dirais-je…

Ces visages nous parlent avant tout de nous et de l'existence. du monde . La beauté des modèles n'est que la mise en forme. la mise en beauté , en abîme, du mystère que contient cette beauté.

Une photographie n'est intéressante, au fond, non pas dans ce qu'elle nous montre, mais dans ce qu'elle nous dissimule, dans ce qu'elle nous suggère au-delà de ce qu'elle fige, dans ce qu'elle écrit dans l'ombre.

Si je suis sensible à la beauté de mes modèles, je suis bien davantage troublé par le mystère de cette beauté.

Le violon est un très bel objet, doté d'un très beau son, mais la beauté , le mystère reste la musique que l'on interprète avec cet instrument.

La photographie ne nous donne pas de réponses, c'est là sa faiblesse et surtout sa force. Elle nous pose des questions et je trouve que ces questions sont belles. Pour moi , faire une belle image, c'est rendre hommage à ces interrogations lumineuses du réel .

Je cherche dans mes photographies une émotion qui serait une caresse de l'âme, je cherche la sensualité de l'âme.

Philippe Pache , mars 1997


Texte tiré de " Portraits, singulier pluriel " livre édité par les éditions Hazan / Bibliothèque Nationale . A l'occasion de l'exposition à La nouvelle Bibliothèque Nationale de France Paris1997


 

In Philippe Pache's shadowy world subjects appear as mysterious abstractions; anonymity searching for essential truths.

Combining virtuoso technique with acute sensitivity, Philippe Pache
creates images of brooding romance. But while the female face and form is clearly the Swiss artist's photographic fetish, each shot, he insists is much more than a simple portrait or beautiful sitter.

" In fact, I really don't like the term portrait", Pache insists . " It's too readily defined as the representation of a person, with the notion of a certain objectivity ­ " This portrait is good " , " it looks like her or like him ". I strive for portraits which look like no one.
Or rather, like everyone. Portraits which contain a universal vibration, something mysterious which occurs beyond the model, and therefore beyond the image. "
Shrouding the body in a play of natural lighting (even when the light is artificial, he strives to make it look natural ), Pache sublimates individual identity under layers of soft sensuality.
" Light", he says, " is the vehicle of emotion and sentiment. I aim for light which caresses the subject, which becomes almost a subject itself . Or at least as important as the subject."

Ultimately the subject becomes the mere surface against which the reflected image takes shape. Like an echogram, Pache's camera picks up light waves and bounces them back to render an outline -
an impression- of the human form. At the same time, it deliberately frustrates any detailing mapping. He's searching for the global idea of humanity, not the specificity of each individual sitter.
" Personally, I never photograph clothes because that always brings us back to one thing I am deliberately out to avoid : anecdote " he says. " More than the female, I am looking for feminity ". In order for Pache to get to these essential elements, it's necessary for him to discard all the standard accountrements of beauty, individuality or style. " A photograph is interesting not so much for what it shows us, but for what it suggests to us", he says, " for what it writes in the shadows".

Stephen Todd

Black and White magazine , Australia . 1997